Chaque année, de nombreuses sociétés cessent leur activité sans pour autant procéder aux opérations de liquidation amiable.
Ainsi, il arrive fréquemment que ces mêmes sociétés fassent l’objet d’une radiation d’office par le greffe sur le fondement de l’article R 123-25 al.1 du Code de commerce qui dispose que :
« Lorsque le greffier est informé qu’une personne immatriculée aurait cessé son activité à l’adresse déclarée, il lui rappelle par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, transmise à cette même adresse, ses obligations déclaratives. Si la lettre est retournée avec une mention précisant que la personne ne se trouve plus à l’adresse indiquée, le greffier porte la mention de la cessation d’activité sur le registre« .
A la lecture de cette mention sur l’extrait KBIS de leur débiteur, les créanciers sont souvent tentés de renoncer à initier une action en paiement dès lors, qu’en cas d’obtention d’un titre d’exécutoire à l’encontre de leur débiteur, il ne leur sera pas possible de saisir le Tribunal aux fins d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.
Cette position doit être tempérée étant rappelé que la radiation laisse subsister la personnalité morale de la société, et le mandat du dirigeant demeure malgré la radiation (Cass com 4 mars 2020 n°19-10501 Cass com 24 juin 2020 n°18-14248)
En effet, l’article L 631-5 du Code de commerce dispose que :
« Lorsqu’il n’y a pas de procédure de conciliation en cours, le tribunal peut également être saisi sur requête du ministère public aux fins d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire.
Sous cette même réserve, la procédure peut aussi être ouverte sur l’assignation d’un créancier, quelle que soit la nature de sa créance. Toutefois, lorsque le débiteur a cessé son activité professionnelle, cette assignation doit intervenir dans le délai d’un an à compter de:
1° La radiation du registre du commerce et des sociétés. S’il s’agit d’une personne morale, le délai court à compter de la radiation consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation (…) »
Le régime est identique pour la demande d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire (L 640-5 c.com).
Ainsi, il est clair qu’un créancier ne peut assigner en procédure collective son débiteur qui aurait fait l’objet depuis plus d’un an d’une mesure de radiation consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation.
Cependant, se pose la question de savoir si la radiation d’office prévue par l’article R 123-25 al.1 du Code de commerce entre dans le champ d’application des articles L 631-5 et L 640-5 du Code de commerce.
Or, tant que la société n’est pas amiablement liquidée, sa radiation d’office ne fait courir aucun délai.
La radiation d’office ne constitue en effet qu’une mesure administrative dénuée d’effet sur la personnalité juridique de la société.
Ainsi, la radiation d’une société prononcée d’office par le greffe pour cessation d’activité ne se confond pas avec la radiation consécutive à la publication des opérations de liquidation.
C’est précisément en ce sens que la Cour d’appel de PARIS s’est prononcée dans le cadre d’un arrêt rendu le 6 janvier 2009 (CA Paris, 3e ch., sect. A, 6 janv. 2009, SCI 15 rue Bouteille c/ SCI 6 place des Terreaux à Lyon – Commentaire par Jean-Pierre LEGROS Droit des sociétés n° 5, Mai 2009, comm. 100).
Dès lors, nonobstant une radiation d’office de son débiteur prononcée il y a plus d’un an, le créancier muni d’un titre exécutoire et ayant procédé à des voies d’exécution infructueuses pourra saisir le Tribunal aux fins d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de la liquidation judiciaire à l’encontre de son débiteur.
Une solution à connaitre dans un contexte économique dégradé où nul doute que de nombreuses radiations d’office vont être prononcées par les greffes.