La CEDH place le cadre de l’action en responsabilité pour inaction climatique contre les États Européens

Jean Petreschi
Avocat
- Publié le
25/4/2024

La CEDH place le cadre de l’action en responsabilité pour inaction climatique contre les États Européens.

Par trois arrêts du 9 avril 2024, la Cour Européenne des droits de l’homme a accepté de recevoir les actions en responsabilité pour « inaction climatique » jugeant que les responsables du dérèglement du climat, États comme entreprises, pourraient être condamnés au motif du droit au respect de la vie privée et familiale, sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit au respect de la vie privée et familiale).  

 

La CEDH a notamment précisé les contours de sa compétence pour juger des enjeux climatiques, en posant le cadre de la capacité à agir, et plus spécifiquement, de la qualité de victime.

 

Dans la première affaire, accueillie parla Cour, une association helvétique dénommée « les aînées pour le climat » ainsi que quatre personnes individuelles faisant partie de cette association ont engagé une procédure judiciaire à l’encontre de la Suisse.

 

La Cour a d’abord pris la décision de débouter les quatre personnes individuelles, car celles-ci n’étaient pas suffisamment atteintes par les conséquences du dérèglement du climat pour avoir la qualité de victimes.

 

Sur la qualité de victime des individus, la Cour a jugé que le requérant doit démontrer qu’il a été personnellement et directement touché par les manquements qu’il dénonce.

 

La Cour se fondera pour cela sur deux critères cumulatifs :

 

1)      le requérant doit être exposé de manière intense aux effets néfastes du changement climatique :un niveau et une gravité notables doivent caractériser les (risques de)conséquences négatives d’une action ou inaction des pouvoirs publics pour le requérant ; et

2)     il faut qu’il y ait un besoin impérieux d’assurer la protection individuelle du requérant, en raison de l’absence de mesures raisonnables ou adéquates de réduction du dommage.

 

Le seuil à atteindre pour satisfaire à ces critères sera néanmoins « particulièrement élevé ». Il sera notamment tenu compte de circonstances telles que la situation prévalant au niveau local et l’existence de particularités et vulnérabilités individuelles.

 

Dans la deuxième affaire, où il était question d’une action menée par l’ancien maire de la commune de Grande- Synthe, la Cour a refusé au maire la qualité de victime, celui-ci ayant déménagé à Bruxelles n’étant donc plus une victime des inondations récurrentes touchant la commune.  

 

Dans la troisième affaire la Cour a débouté de leurs demandes six jeunes portugais puisqu’ils n’avaient pas épuisé toutes les voies de recours au Portugal.

 

Sur la qualité pour agir des associations, la Cour a décidé de recevoir l’action, en estimant que le droit pour une association d’agir au nom de ses adhérents ou d’autres individus touchés n’était pas subordonné à l’obligation d’établir la qualité de victime :

 

« La Cour estime que si d’ordinaire elle n’accorde pas la qualité de victime à une association en l’absence de mesure touchant celle-ci directement, quand bien même les intérêts de ses membres pourraient être en jeu, il arrive toutefois que des « considérations spéciales » justifient qu’une association représente des individus même en l’absence de pareille mesure ».

 

La Cour souligne également, à cette occasion, le caractère opportun d’autoriser les associations à agir en justice compte tenu de la nature particulière du changement climatique, sujet de préoccupation pour l’humanité.

 

Si la Cour n’a pas prononcé une sanction particulièrement sévère envers l’État Suisse (elle s’est contentée d’exiger le versement de 80 000€ à l’association pour le remboursement des frais et dépens), ces décisions sont toutefois importantes pour le droit de l’environnement, puisqu’elles signifient que les objectifs fixés sur les gaz à effet de serre par chaque gouvernement pourraient devenir contraignants et opposables devant la Cour Européenne.

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